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Regards sur le design contemporain | Design en milieu numérique |Du « design numérique » |

Design en milieu numérique.

Le propre du design est qu’il ne cesse de se redéfinir. Et d’ailleurs l’ISCID propose actuellement une campagne de redéfinition du design. Le design industriel se redéfinit à mesure que l’industrie se transforme. Aujourd’hui, l’industrie est gouvernée par des algorithmes, et tout semble devenu industriel.

Du « design numérique ». 

  • “Design numérique” ?

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La théière Melitta (1975), Martin Newell.

Les nouvelles technologies informatiques intéressent le design dès le début, entre autres avec la Domus Academy qui ouvre ses portes en 1982 à Milan, la même année que l’ENSCI-Les Ateliers. On pourrait dire, de la génération numérique ce que Lev Manovich dit de la “génération Flash” : c’est une génération design en ce sens qu’elle ne se demande pas si ce qu’elle produit est de l’art ou de l’ingénierie. Le « design numérique » nomme à la fois le design des technologies informatiques (dont les premières dates clés sont la souris et l’interface bureautique de Xerox Parc en 1973 et le micro-ordinateur Macintosh en 1984), et le design par les technologies informatiques (par exemple dès 1975, la théière Melitta de Martin Newell, qui est modélisée ; puis la généralisation du Computer-Aided Design, à partir de 1981). Hartmut Esslinger, fondateur de FrogDesign et du snow white design langage, utilisa l’ordinateur pour dessiner le micro-ordinateur Macintosh.

L’informatique est une technologie invasive qui hybride chacune de nos technologies, y compris nos vieilles automobiles[1]. Chaque machine tend à devenir une machine à data, et le numérique s’immisce partout comme moyen et comme fin, comme milieu. Au milieu de data, nous ne pouvons plus distinguer le design par le numérique et le design du numérique, le procédé et le produit.

Pour Éric Vandecasteele, depuis que les logiciels dessinent automatiquement les formes à construire, le statut souverain du designer s’effrite[2]. Cette lecture est faussée : cela n’a pas de sens de dire que le style du designer ou les contraintes de la matière ont disparu au prétexte que la machine informatique les prend en compte. Au contraire, comme le résume Jean-Baptiste Touchard, le designer numériquement assisté contrôle beaucoup mieux son travail, ce pourquoi, il a compris très vite la nécessité de participer à la conception logicielle[3].

Toutes sortes de propositions ont été soumises pour comprendre la métamorphose de l’objet numérique, soit le fait que l’objet soit désormais habillé de data, et parfois camouflé par elles (les “néo-objets” de Jean-Louis Fréchin ;  les “robjets” de Dominique Sciamma ; les “blogjets” de Julian Bleecker, etc.). Les designers, mais aussi les théoriciens du design, parlent beaucoup de l’éclipse de l’objet. L’objet ordinateur aurait brisé définitivement le rapport entre forme et fonction qui alimentait la solidité de l’objet moderne ; il aurait même tué le design traditionnel. Andréa Branzi parle ainsi de déclin de l’objet en tant que réalité séparée et indentifiable, “en tant que présence différente de l’observateur, mais aussi du milieu ambiant” ([4]). Il n’y a plus un sujet face à un objet mais deux entités hybrides suspendues, qu’Elio Manzini nomme “objets quasi-sujets”.

Le magasine Regards sur le numérique a tenté de définir le design numérique et a même parlé d’une french touch du design numérique.Le lecteur de ce dossier sera probablement, tout comme nous, dubitatif à l’idée d’un “design français”. D’ailleurs, l’idée même de “design numérique” est en réalité bancale, car tout objet tend à devenir numérique (c’est-à-dire, non pas seulement conçu avec un ordinateur, mais relié à d’autres objets à travers des jeux de données). Le “design numérique” inclut aussi bien l’aspirateur Roomba d’iRobot (qui a besoin d’un programme pour fonctionner), que l’habitat imprimé de l’agence In-flexions (qui a besoin d’un programme pour être créer), bref, il semble difficile de dé-finir le design numérique. Une chose est sûre : il est devant nous ! Et tout le monde se demande : what design can do ?

Thingiverse, adepte des RepRap, propose, en Open source et sous licence publique, des modèles 3D en libre téléchargement. Avec les promesses de l’imprimante 3D, bien des personnes rêvent de personnalisation[5]. La production industrielle d’objets à la demande, en flux tendue, est devenue pensable. Rien n’indique mieux la fin du modèle industriel qui accompagnait le règne de l’industrie de la voiture, que la possibilité de produire celle-ci en open source, à la manière du projet WikiSpeed. Mais une nouvelle machine ne suffira pas à faire la révolution. Une révolution technologique ne repose pas seulement sur de nouvelles machines (comme l’imprimante 3D à commande numérique), mais aussi sur de nouvelles valeurs, en l’occurrence celles de l’éthique hacker. Et si on peut parler d’artisanat numérique, ce n’est pas tant au sens d’une personnalisation de la marchandise qu’au sens où la frontière entre le concepteur et l’usager s’estompe.

 

  • Le mythe de la dématérialisation.

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L’industrie numérique semble multiplier le nombre de produits aussi bien que leur obsolescence. Rien n’est plus faux que cette idée de dématérialisation : nous n’avons jamais eu tant d’objets, nous n’avons jamais tant consommés de matière et d’énergie. La principale caractéristique phénoménologique de notre milieu numérique est qu’il est invisible ; mais invisible ne veut pas dire immatériel. Un banal coup de téléphone nécessite l’exécution de milliards d’opérations sur des centaines de circuits. L’économie des data n’est pas immatérielle : les datacenters sont absolument énergivores, sans même parler du fait qu’ils gaspilleraient près de 90% de l’énergie développée. Le cloud n’est donc pas intrinsèquement écologique. Si le traitement des data est énergivore, une bonne idée serait de renverser la donne et de faire des ordinateurs des centrales d’énergie[6]. Mais d’une manière générale, l’électronique ambiante nous plonge actuellement “entre désirs et déchets”, pour reprendre une formulation du Parlement du futur.

  • Nouveau statut de l’image ?

Notre capacité à produire de plus en plus de données nous oblige à donner du sens à ces données. Et cela n’est donc pas un hasard s’il existe de plus en plus d’outils qui permettent de concevoir la visualisation des données, outils que l’association Metacarto par exemple cherche à comprendre.

“. La cartographie sémantique foisonne [cf. le blog de Christophe Tricot ou celui de Franck Ghitalla]. Et la dataviz est désormais une discipline en vogue[7], même si ces principes ne sont pas nouveaux[8]. Certains ont même tenté un tableau périodique de la dataviz, mais celui-ci n’a pas la scientificité de la chimie. Contrairement à ce que dit David McCandless, un des nouveaux papes du métier, les informations sont difficilement compréhensibles en un clin d’œil, et les belles dataviz restent à interpréter. De même qu’on met de moins en moins de temps pour aller de Paris à Madrid, mais toujours autant pour lire le Don Quichotte de Cervantès, de même, il faut de moins en moins de temps pour traiter des données, mais toujours autant pour interpréter un document. Les dataviz relèvent aussi bien de l’esthétique que de la politique. À  la manière de Hans Rosling, le père de Gapminder, on pourrait dire : Let my dataset change your mindset. Ou à la manière de Manuel Limma, auteur du site Visual Complexity, on pourrait dire : “Nos outils ne sont pas seulement une source de découverte et de connaissance, mais aussi de prise de conscience et d’action”[9]. Ce qui importe, pour cela, n’est pas tant de multiplier les dataviz que de les relier à un contexte d’utilisation (ou de diffusion) – comme le montre les différents projets d’User Studio, de Refact à Culture is data. La dataviz peut relever du marketing et du management, elle peut aussi relever de l’éducation populaire. À ce titre, il faut rappeler que la dataviz à elle seule n’enseigne pas l’esprit critique, et d’ailleurs il ne faut pas croire tout ce que l’on voit : Why you should never trust a data visualisation.

Le datadesign participe à la matérialisation des “choses” que le regard ne saisit pas (trop petites ou trop grosses, trop nouvelles, sans nom ni forme, etc.). Avant, on pensait que le designer se préoccupait de l’objet, et le scientifique d’objectivité ; mais aujourd’hui, on voit bien que le designer, lui aussi, s’occupe d’objectivité, car l’objet est devenu un tissu de données. Derrière la question du design des data, c’est bien une nouvelle idée de l’objectivité qui se fait jour. Le statut épistémologique de la donnée est débattu, non seulement chez les informaticiens et les philosophes, mais aussi chez les designers et les artistes[10]. Si on force, à la manière de V.Flusser, l’étymologie du mot “design”, on dira que le de-sign des data nomme un domaine où il n’est plus possible de distinguer l’objet et son signe. Mais il ne suffit pas de dire cela, car les images numériques ne représentent plus, elles fabriquent. Comme l’écrivent Daston et Galison : “Nous appellerons images virtuelles la navigation à travers des ensembles déterminées de données, et images tactiles la navigation à travers l’image pour modifier les objets physiques en temps réel.”  (Objectivité, p. 439-440). Ce qui est dit ici du domaine des nanos-technologies semble généralisable : nous sommes passés de “l’image-représentation à l’image-processus”, car les images numériques sont par nature manipulables, elles se sont mises “à fonctionner comme la pince fine, le marteau ou l’enclume de la nature : comme un outil pour fabriquer et modifier les choses”. Les images ne sont pas tant des miroirs du monde que des moyens d’agir sur celui-ci.

Edward Tufte, dont on a dit qu’il était le “Léonard de Vinci des données”, n’est pas tendre vis-à-vis de cet architexte qu’est PowerPoint [cf. Power Point is evil]. Un logiciel comme Power Point (ou comme Prezi) n’est pas seulement un support d’écriture, c’est un format d’écriture qui formate la pensée. Ce “formatage” est le propre de tout logiciel, et il est de la responsabilité du designer de ne pas l’occulter.

  • Que faire avec le concept d’interface ?

Si on admet avec Donald Norman que les technologies numériques, par nature, n’ont pas d’affordances matérielles, alors, par définition, elles nécessitent du design pour créer cette affordance. Cette affordance est ce qu’on nomme généralement une interface.

Rappelons un truisme : le design numérique ne se réduit pas au design graphique, au design de l’information, car c’est avant tout un design d’interactions [cf. Bill Verplank ; Bill Moggridge, Designing interactions (2007)]. D’ailleurs en France, ceux qui participent au guide des métiers du design numérique se nomment Designers Interactifs. Le “design numérique”  semble avoir pour vocation de créer de nouvelles interfaces [cf. par exemple le design numérique 10 projets innovants]. Les tendances changent, et les spécialistes ont pu opposer (à tort selon certains) le skeuomorphisme au flat-design [Sur ces débats et tendances, qui concernent l’ensemble de la communauté des web designers, je renvoie par exemple au site designmodo].Mais les tendances ne changent pas si vite… En effet, en informatique, remarque Ranulph Glanville, rien n’a si peu évolué que les interfaces bureautiques : “Je n’arrive vraiment pas à comprendre comment l’interface graphique de Parc Xerox (autrefois utile, mais aujourd’hui plutôt obsolète), universellement disponible avec le Mac et maintenant avec Windows, puisse encore être considérée comme révolutionnaire. Il est surprenant de voir comme l’OS X d’Apple est toujours commercialisé comme un produit “nouveau”, alors que cela fait 30 ans qu’il utilise les mêmes métaphores (qui plus est en s’appuyant sur une technologie encore plus ancienne – UNIX). En informatique, rien n’a aussi peu changé”[11]. Ce qui importe donc est de ne pas se laisser piéger par des « habitudes interfacuelles ». Et là nous ne pouvons que renvoyer aux travaux d’interaction design de personnes comme Victor Bret [cf. the future of interaction design].

Comme l’indique l’agence Ultranoir, le Responsive design peut se traduire par design “adaptable”. Or l’adaptabilité s’oppose à l’adaptation – plus un objet est adapté, moins il est adaptable. Le design interactif est en train d’évoluer, on sort du paradigme de l’adaptation centré utilisateur, pour donner place à la figure du contributeur. En outre, on passe d’un design de l’environnement numérique à un design numérique du milieu, de l’ensemble du milieu. C’est ce que résume David Bihanic quand il affirme que le nouveau paradigme cherche à “faire sortir les interfaces dans l’environnement physique, plutôt que faire rentrer l’environnement physique dans une stimulation informatique.

Avec Kinect (Microsoft) ou Move (Sony), nous avons connu l’apparition d’interfaces où le corps lui-même devient le dispositif d’interaction. De même, les logiciels de reconnaissance de la voix font partie du concept d’interface entre l’homme et la machine. Il suffit de se reporter au dictionnaire, Le design des interfaces numériques en 170 mots-clés, pour s’apercevoir que le concept d’interfaces est à la fois trop large (imprécis) et trop étroit (réducteur), et il semble y avoir autant d’interfaces que d’espèces de machines. La tendance semble être à la conception d’interface transparente, c’est-à-dire d’interface qui s’efface sous son efficace. On lit, ici ou là, que la meilleure interface est aucune interface ! Peut-être faut-il alors dépasser ce concept d’interface, dérivé de la cybernétique et des techniques de contrôle ? Dominique Sciamma prône le Living Design et invite à ne surtout pas réduire le numérique à l’interface [cf. Demain le design. De l’interaction à la relation]. Le designer Ranulph Glanville pense également que l’acceptation actuelle du terme est réductrice : l’interface est réduite à un tableau de commande sans relief, où on presse des boutons et on répond machinalement à des stimuli.

Rufus Pollock l’affirme : “the data is primary, the interface secondary” . Notre milieu numérique, sans couture, devient ubiquitaire [Adam Greenfield, Everyware, 2007]. L’informatique se dissout dans nos comportements. Ce qu’on nomme l’« ubimédia » abandonne l’écran comme support privilégié d’informations et d’interactions. Même à l’époque du multimédia nous étions restés à l’unimédia, car l’écran était le medium principal de notre interaction avec la machine. Désormais, l’écran peut être dilué dans le milieu ambiant, ou projeté sur notre corps. On vit au milieu de physical computing et de pervasive computing [et des agences comme Maya Design se spécialisent], on fabrique des wearable technologieset on annonce les spimes communicants, ces objets-fichiers qui contiennent des informations sur eux-mêmes [Bruce Sterling, Shaping Things, 2005]. Notre nouveau monde de data, ubiquitaire, est par essence manipulable et modulable, si bien qu’on est passé de la science-fiction au design-fiction. Pour notre propos, retenons qu’il y a deux manières de sortir de l’interface-écran, soit en retravaillant complètement les propriétés physiques de l’écran (ex. Nokia Morph Concept), soit en cassant le support même de l’écran pour adopter de nouvelles interfaces qui peuvent être aussi bien votre ongle (ex. NailO du MIT) que l’ensemble des gestes manuels (ex.  Sixth Sense du MIT encore).

Qu’est-ce qu’une interface ? On ne sait pas trop… Ce peut être une image, un geste, une voix, une odeur… C’est l’ensemble des manières que l’homme a de rencontrer un algorithme.

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Sixth Sense du MIT

  • Design du milieu (invisible).

Une des questions essentielles qui se jouent dans le design aujourd’hui nous semble être celle de l’articulation de l’invisible et du visible[12]. Cette articulation pose deux questions : les technologies qui donnent accès à l’invisible [« Aujourd’hui, on peut voir même l’invisible : ce que l’œil humain ne voit pas, les machines qui explorent l’invisible nous le montrent. Les radiographies, les images microscopiques, les inventions des artistes » (Bruno Munari, L’art du design, p. 30] et les technologies qui sont elles-mêmes invisibles [“Quelles formes faut-il donner aux objets dont on ne voit plus la technologie ? ”  se demandaient Jean-François Dingjian et Eloi Chafaï, à l’occasion du partenariat de Normal Studio avec Minatec Ideas Lab].

Le milieu numérique est celui d’une traçabilité généralisée, mais ce milieu, qui nous voit et qui nous fait voir, ne se voit pas. La technologie tend à devenir invisible, du même coup elle offre une visibilité permanente, remarquait Fréderic Kaplan dans Futur.2.0. “Les technologies les plus profondément enracinées sont les technologies invisibles. Elles s’intègrent dans la trame de la vie quotidienne jusqu’à ne plus pouvoir en être distinguées”, écrit Mark Weiser, qui parle depuis plus de vingt ans d’ubiquitous computing. Dans Designing calm technology il promeut des technologies invisibles lorsqu’on n’y prête pas attention, mais visibles quand on y prête attention. Les technologies calmes, selon lui, nous nourriraient d’informations sans nécessiter notre attention!

Il faut se défaire du fantasme d’un accès direct, sans médiation, à la réalité, car une donnée (data) n’a rien de “donné” : elle est construite comme une variable, avec une finalité précise, puis produite, saisie ou acquise par des mécanismes qui constituent autant de médiations plus ou moins masquées (et qui nécessitent des infrastructures très lourdes). C’est précisément toute la question : faut-il ou non rendre visible les médiations numériques qui structurent notre monde ? Idéalement, il vaut mieux plus que moins. Mais l’utilisateur est-il prêt ; le designer sait-il faire ? Comment amener les data, invisibles par nature, dans le champ de la perception ? Lorsque les artistes s’emparent des data, s’est avant tout pour redonner une visibilité à cette trame invisible. Ce qui est dit ici des algorithmes, est valable pour toutes les infrastructures techniques que nous ne voulons pas voir. Il importe de rendre visible ce que nous ne voulons pas voir : par exemple, nos ordures (comme l’illustre le projet Trash Track du MIT Senseable City Lab), l’écosystème du fleuve qui traverse notre ville (comme l’illustre le projet Amphibious Architecture du Living Architecture Lab). Il importe aussi de rendre visibles ces infrastructures technologiques dont nous dépendons : pour Saskia Sassen on ne pourra parler de “villes intelligentes” que si les technologies numériques et les infrastructures sont rendues visibles, et donc accessibles, intelligibles, discutables, détournables.

 

À en croire J. Rifkin tout l’enjeu de la “troisième révolution industrielle” réside dans la manière dont nous saurons lier le réseau des data et à celui des énergies. Le lien entre design et énergie n’a jamais été aussi fort[13] et le véritable défi semble de passer du statut de consommateur à celui de générateur d’énergie[14]. Les data et l’énergie ont en commun d’être invisibles, et il est désormais de la responsabilité du designer de leur rendre une visibilité sociale. C’est bien autour du lien entre data et énergie que s’inventent une bonne partie du design de demain à l’exemple du designer Usman Haque et son projet Natural Fuse ou Pachube. Changer de mode de circulation de data ou de mode de circulation d’énergie, c’est changer d’interactions sociales. Au-delà des objets-agents qui engagent à modifier notre comportement énergétique en nous informant sur celui-ci (ex. le Wattson, etc.), au-delà même des objets énergétiquement autonomes (ex. Anab Jain), l’enjeu plus général,  à l’exemple du designer Usman Haque, est de passer d’un design de l’objet à un design du milieu.

L’architecture elle-même ne se préoccupe pas tant de structures solides que des milieux liquides, c’est une architecture de l’invisible, des ambiances et des ondes [cf. par exemple les travaux du EmbeddedLab]. Ce design du milieu ambiant nous conduit ultimement du côté du designer Felipe Ribon qui, dans son exposition récente Mind The Gap, nous ouvre les yeux sur ce que pourrait être un design industriel de l’hypnose.

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[1] “Plus de 70% de la valeur ajoutée des voitures modernes haut de gamme vient de l’électronique, et le coût de leur logiciels dépasse déjà celui de leurs pièces matérielles”, expliquait Gérard Berry au Collège de France;

[2] Le logiciel Fresdam qui dessina automatiquement la forme des baladeurs Sony, condamne le designer au “No-design”. “Si Starck peut nous affirmer que ses montres et ses chaises n’ont “pas de style”, c’est que l’outil informatique a été en quelque sorte naturalisé, c’est-à-dire rendu absolu conforme aux mécanismes de la pensée formelle”. Plus loin il récidive : si la forme n’est pas tout, comme l’affirmait Jasper Morisson, c’est qu’“un nombre plus grand d’objets est réglé non pas sur des principes mécaniques mais sur des logiques binaires d’input et d’output” Eric Vandecasteele, “Les fictions du design”, dans J.Barral, J.Gilles, Dessein dessin design, 2007, p.61 et p. 72

[3] “Le designer qui produit des fichiers numériques a beaucoup plus de contrôle sur sa création. Il n’en est plus dépossédé comme lorsqu’il remettait son dossier et des maquettes au bureau d’études ou aux méthodes. Il sait à présent fournir des informations directement exploitables par les unités de production et il est beaucoup plus impliqué dans les phases de corrections et de mise au point du processus industriel” Jean-Baptiste Touchard, “Matière numérique”, R.Guidot (dir.), Design, Techniques et matériaux, 2010, p.278 “D’abord convoqué pour ses compétences graphiques, le designer va vite avoir une responsabilité beaucoup plus importante sur la conception logicielle. Partant des fonctions, de l’usage, c’est lui qui va définir l’interface, l’ergonomie et même les fonctionnalités des programmes, les scénarios qui vont se déclencher à partir des interfaces. Et cela tombe précisément au moment où la programmation informatique subit un profond bouleversement [‘‘programmation-objet’’ et démarche ‘‘top-down’’]. La conception de l’interface n’est plus l’aboutissement de la programmation, l’habillage final, mais devient le point de départ du projet ” (ibid., p.295).

[4] André Branzi, “L’éclipse des objets”, Qu’est-ce que le design ?, Gründ, 2009, p. 274Le livre se conclut ainsi : “L’objet entame par conséquent une fascinante métamorphose, devenant une réalité nébuleuse et évolutive, qui s’inscrit dans le milieu enzymatique de la ville contemporaine où tout se modifie, se relie et se renouvelle, à l’instar du cycle des saisons. Sans direction précise, ni plus la moindre frontière stable et indentifiable”.

De son côté, lorsqu’Alain Findeli parle de l’éclipse de l’objet, c’est dans un sens plus épistémologique

[5] “La pièce unique n’est plus réservée à l’amateur d’art ou au domaine du mobilier. La série diversifiée de Gaetano Pesce ou la production de pièces uniques imaginées dans le cadre de Studio Alchimia et de petite série par le groupe Memphis devient possible dans tous les domaines de la production industrielle. Les propositions théoriques d’Alessandro Mendini ou de Ron Arad, jugées il y a encore peu de temps irréalistes, sont parfaitement envisageables” Raymond Guidot, Histoire du design de 1940 à nos jours, p. 281.

“Les objets seront ainsi fabriqués à notre demande, à partir d’un design téléchargeable à un jour, une heure et dans un lieu choisis” Jean-Louis Fréchin, “Vers un nouveau sytèmes des objets, les néo-objets”, dans Ph.Aigrain, D.Kaplan (dir.), Internet peut-il casser des briques ?, 2012, p. 58.

[6] ExeQarnot computing fabrique des « radiateurs numériques » qui récupèrent la chaleur produite par le calcul informatique et qui évitent de passer par les data centers, onéreux et énergivores.

[7] On trouvera ici 20 exemples de motion design et ici 30 exemples d’infographies ou dataviz. On pourra se reporter aussi au site de référence de Michael Friendly. Il existe tout un tas de site sur la visualisation des données (Visualizing, FlowingData, Datavisualization, etc.) ; et sur le data journalisme. Bien sûr, il ne faut pas être dupe, car ce qu’on nomme des “dataviz”  utilisent parfois des méthodes de visualisation de données qui n’ont pas grand chose à voir avec l’informatique (ex. l’agence Brésilienne Ionz nous propose de créer une dataviz de notre propre vie digitale, mais elle pourrait le faire à la main et au moyen d’un simple sondage). Bien sûr aussi, tous les thèmes ne sont pas également traités. Certains sont privilégiés, comme celui du métro parisien qui a fait l’objet de nombreuses dataviz [cf. parismapartient de Pierre.jtlf. ou encore sa carte interactive des amourettes métropolitaines ; Metropolitain de l’agence Dataveyes ; ou encore dataparis réalisés par quatre étudiants d’HETIC].

[8]En fait de calculs et de proportion, le plus sûr moyen de frapper l’esprit est de parler aux yeux”, écrivait William Playfair en 1780. Les scientifiques n’ont pas attendu l’informatique pour donner à voir des données chiffrées autrement qu’avec des chiffres. La représentation graphique des données engage l’histoire de la statistique et de la cartographie. [Cf.  Gaëtan Gaborit, “Visualisation de données : les leçons de l’Histoire”]

[9] Cité dans Data Flow2.

[10] “Pour reprendre le comparaison avec la peinture traditionnelle, les données sont plutôt le motif ou le sujet que la gouache”, écrit Joachim Sauter, co-fondateur d’ART+COM, Cité dans DataFlow2

[11] “Interview : design des interfaces et interfaces du design”, par Madeleine Aktypi, dans Anomalie, digital_arts n°3, “Interfaces”, p. 277

[12]

[13] Par exemple : le Concrete Sustainability Hub du MIT, : le concours Apps for Energy ; en France, The EDF Sustainable Design Challenge.

[14] La marque Vodafoneen partenariat avec l’Université de Southampton a développé une poche produisant de l’énergie lorsque sa ou son propriétaire marche ou danse. Ce projet indique les possibles de la piézoélectricité et montre la nécessiter de travailler à notre autonomie énergétique.

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